
Carte blanche à Paul Rothé — Rien à voir : Filmer le vide, l’absence, l’invisible
Comment filmer ce qui échappe au regard ? Ce programme, conçu par Paul Rothé, explore les marges du visible à travers des œuvres qui s’attachent à donner une forme au vide, à l’absence et à l’invisible. De la traversée spectrale d’un Paris muséifié dans Les mains négatives de Marguerite Duras à la matérialisation d’une présence insaisissable dans Schlafsand d’Elias Bötticher, chaque film interroge les limites de la perception et du sensible. Cette quête cinématographique s’achève dans l’obscurité d’un travelling nocturne avec Or anything at all except the dark pavement de Théodora Barat, laissant derrière elle une empreinte fugace, à la lisière du réel et du fantasme.
Mot du curateur :
Rien à voir, telle est la promesse de cette carte blanche. À moins que… l’invisible ne devienne soudainement visible, que l’absence ne révèle une présence, que le vide se fasse immense et dense. Ce programme pourrait être une plaisanterie. Il pourrait être très sérieux. Il sera, en fin de compte, ce que chacun·e souhaitera qu’il soit.
Au fil du temps, il s’est développé chez moi l’idée que le cinéma fonctionnait en négatif, comme les images qui le font — ou pendant longtemps, au moins, l’ont fait — et qui révèlent les couleurs originales en captant celles inversées ; comme ces mains négatives, celles évoquées dans le court-métrage éponyme de Marguerite Duras. Ce dernier, par lequel débute ma carte blanche, s’ouvre par la visite aurorale d’un Paris muséifié, réveillé au son d’un hurlement plurimillénaire : « J’aimerai quiconque entendra que je crie », souffle Marguerite Duras. En écho à cette déambulation première et primitive, mon programme s’achève par un traveling nocturne, muet, au cours duquel des signaux de lumière et de fumée apparaissent pour dessiner un langage (Or Anything At All Except The Dark Pavement de Théodora Barat).
Entre ces deux films, une caméra à l’affût de la moindre trace retrouve dans des regards absents une ville perdue (Under the Lake de Thanasis Trouboukis), tandis que Xacio Baño s’attache à traquer les fantômes (I Can’t See You) : l’absence, pourtant fruit d’une disparition ou d’une soustraction, devient alors point de fixation. Schlafsand, enfin, donne à un phénomène aux contours invisibles une identité, un visage, un corps. Certain·e·s appelleraient ça de la magie. D’autres nommeront cela le cinéma. Quelques-un·e·s, averti·e·s, diront qu’il y a trois fois rien, si ce n’est rien, entre ces deux-là.
- Paul Rothé
Paul Rothé travaille dans le milieu du cinéma indépendant depuis une maîtrise à Sciences Po Toulouse, conclue par la soutenance d’un mémoire de recherche intitulé “Habiter la ville nouvelle dans Les nuits de la pleine lune et L’ami de mon amie d’Éric Rohmer”. Après des expériences comme critique, lecteur de scénarios, et membre de comités de sélection dans des festivals comme celui du Cinéma du Réel (section Première Fenêtre), il œuvre pour la plateforme mk2 Curiosity en tant que chargé de programmation. En septembre 2023, il quitte Paris pour Montréal où il rejoint le Festival International du Film sur l’Art (Le FIFA). Il intègre alors le comité de sélection et prend la responsabilité des journées professionnelles dites FIFA Connexions. En 2024, son mandat évolue puisqu’il devient également programmateur de la plateforme de streaming ARTS.FILM.
Marguerite Duras – Les mains négatives (1979, France, 14’)
Thanasis Trouboukis – Under the Lake (2022, Grèce, 16’)
Xacio Baño – I Can’t See You (2023, Espagne, 14’)
Elias Bötticher – Schlafsand (2024, Suisse, 14’)
Théodora Barat – Or anything at all except the dark pavement (2011, France, 5’)
Mot du curateur :
Rien à voir, telle est la promesse de cette carte blanche. À moins que… l’invisible ne devienne soudainement visible, que l’absence ne révèle une présence, que le vide se fasse immense et dense. Ce programme pourrait être une plaisanterie. Il pourrait être très sérieux. Il sera, en fin de compte, ce que chacun·e souhaitera qu’il soit.
Au fil du temps, il s’est développé chez moi l’idée que le cinéma fonctionnait en négatif, comme les images qui le font — ou pendant longtemps, au moins, l’ont fait — et qui révèlent les couleurs originales en captant celles inversées ; comme ces mains négatives, celles évoquées dans le court-métrage éponyme de Marguerite Duras. Ce dernier, par lequel débute ma carte blanche, s’ouvre par la visite aurorale d’un Paris muséifié, réveillé au son d’un hurlement plurimillénaire : « J’aimerai quiconque entendra que je crie », souffle Marguerite Duras. En écho à cette déambulation première et primitive, mon programme s’achève par un traveling nocturne, muet, au cours duquel des signaux de lumière et de fumée apparaissent pour dessiner un langage (Or Anything At All Except The Dark Pavement de Théodora Barat).
Entre ces deux films, une caméra à l’affût de la moindre trace retrouve dans des regards absents une ville perdue (Under the Lake de Thanasis Trouboukis), tandis que Xacio Baño s’attache à traquer les fantômes (I Can’t See You) : l’absence, pourtant fruit d’une disparition ou d’une soustraction, devient alors point de fixation. Schlafsand, enfin, donne à un phénomène aux contours invisibles une identité, un visage, un corps. Certain·e·s appelleraient ça de la magie. D’autres nommeront cela le cinéma. Quelques-un·e·s, averti·e·s, diront qu’il y a trois fois rien, si ce n’est rien, entre ces deux-là.
- Paul Rothé
Paul Rothé travaille dans le milieu du cinéma indépendant depuis une maîtrise à Sciences Po Toulouse, conclue par la soutenance d’un mémoire de recherche intitulé “Habiter la ville nouvelle dans Les nuits de la pleine lune et L’ami de mon amie d’Éric Rohmer”. Après des expériences comme critique, lecteur de scénarios, et membre de comités de sélection dans des festivals comme celui du Cinéma du Réel (section Première Fenêtre), il œuvre pour la plateforme mk2 Curiosity en tant que chargé de programmation. En septembre 2023, il quitte Paris pour Montréal où il rejoint le Festival International du Film sur l’Art (Le FIFA). Il intègre alors le comité de sélection et prend la responsabilité des journées professionnelles dites FIFA Connexions. En 2024, son mandat évolue puisqu’il devient également programmateur de la plateforme de streaming ARTS.FILM.
Marguerite Duras – Les mains négatives (1979, France, 14’)
Thanasis Trouboukis – Under the Lake (2022, Grèce, 16’)
Xacio Baño – I Can’t See You (2023, Espagne, 14’)
Elias Bötticher – Schlafsand (2024, Suisse, 14’)
Théodora Barat – Or anything at all except the dark pavement (2011, France, 5’)
Réalisation | Marguerite Duras, Thanasis Trouboukis, Xacio Baño, Elias Bötticher, Théodora Barat |
Commissariat | Paul Rothé |
Présent sur ces collections
Séance
• Université Concordia - J.A. de Sève, LB-125, Pavillon J. W. McConnell
Vendredi 21 mars 2025, 17:30 — 18:33