28.11.2025
Quand l’art contemporain déraille | Nouvelle collection sur ARTS.FILM
Image tirée du film The Tirana Conspiracy de Manfredi Lucibello
Parce qu’il est un monde à part, propice aux excès et à la controverse, il arrive que l’art contemporain déraille… comme dans le film The Square, œuvre réalisée par Ruben Östlund et récompensée d’une Palme d’or au festival de Cannes en 2017. Un conservateur de musée sûr de son intégrité morale mais dont on découvre bientôt qu’elle n’est qu’un vernis, une performance qui tourne mal, très mal, … : The Square dresse un portrait au vitriol du milieu de l’art contemporain. Dans Il était une fois… The Square, la cinéaste Manuelle Blanc explore les coulisses de ce film en compagnie de Ruben Östlund. The Tirana Conspiracy de Manfredi Lucibello, quant à lui, raconte l’histoire invraisemblable mais pourtant bien réelle d’un immense canular — symptôme des dérives d’une partie du milieu ? — dont a été victime la Biennale de Tirana. Enfin, les films The Price of Everything de Nathaniel Kahn et le vrai faux documentaire Jaeborn, numéro par numéro de Roger Gariépy abordent la fièvre spéculative générée par les artistes les plus côté·e·s. Découvrez dans cette collection le côté obscur (qui n’en a pas ?) de l’art contemporain…
The Tirana Conspiracy — Manfredi Lucibello (NOUVEAUTÉ) — PRIX DU JURY FIFA 2025
Untitled #1 — Giacomo Piperno (NOUVEAUTÉ)
Le mobilier — Mehdi Pierret
Il était une fois… The Square — Manuelle Blanc
Jaeborn, numéro par numéro — Roger Gariépy
The Price of Everything — Nathaniel Kahn
NOUVEAUTÉS DE LA SEMAINE
The Tirana Conspiracy de Manfredi Lucibello
PRIX DU JURY FIFA 2025
Synopsis :
En décembre 2000, Oliviero Toscani, célèbre photographe et directeur artistique connu pour ses campagnes publicitaires audacieuses et provocantes (Benetton), accepte l’invitation de Giancarlo Politi, éditeur et critique d’art, à diriger une section de la toute première édition de la Biennale de Tirana, le plus grand événement artistique international d’Albanie. Toscani présente au public quatre artistes controversés, auteurs d’œuvres inconfortables, inappropriées, voire offensantes pour la morale : Dimitri Bioy, pédophile ; Marcello Gavotta, pornographe ; Bola Equa, activiste recherché par le gouvernement nigérian ; et Hamid Picardo, photographe officiel de Osama Ben Laden. Ce n’est que le début de ce qui restera comme l’un des plus grands canulars de l’histoire de l’art contemporain. Maintenant qu’il y a prescription, les protagonistes peuvent enfin dire la vérité.
Ce documentaire met en lumière les scandales provoqués et pose un regard critique sur les mécanismes qui confèrent légitimité et valeur à l’art. À travers un récit qui joue avec les notions de vérité et de manipulation, le film explore les travers du marché de l’art, les modes intellectuelles adoptées par l’élite artistique et la fragilité des systèmes d’évaluation esthétique.
Quand le scandale devient l’art lui-même
Il y a des films qui racontent des histoires, et puis il y a ceux qui font ressentir l’histoire.
The Tirana Conspiracy appartient à la deuxième catégorie. Manfredi Lucibello ne se contente pas de retracer un canular artistique monumental : il nous entraîne dans un tourbillon où la provocation, le prestige et l’absurde se mélangent jusqu’à ce qu’on ne sache plus ce qui est vrai et ce qui est fabriqué.
Ce documentaire a ce quelque chose de rare : il réussit à être drôle et dérangeant à la fois. On rit (parfois jaune) en voyant comment le système de l’art contemporain peut être sensible aux chocs, aux scandales, aux « faits divers » plus qu’à la cohérence ou à l’éthique. On frissonne en réalisant que ce n’était pas seulement un canular mais bien une expérience immersive sur le goût, la réputation et la crédulité.
On ressort de The Tirana Conspiracy avec cette impression étrange : l’art peut se moquer de nous, nous provoquer, tout en continuant de nous captiver. Et si c’était exactement ce que l’art contemporain cherchait à faire ?
Untitled #1 de Giacomo Piperno
Synopsis :
Giulia, une jeune étudiante en histoire de l’art, commence un stage en tant que gardienne de galerie dans un musée d’art contemporain. Elle est affectée à une salle abritant une œuvre particulière qu’elle ne connaît pas : un robot autonome fabriqué à partir d’une vieille télévision, qui communique en affichant des fragments de films sur son écran.
L’art à l’ère des algorithmes
Dans Untitled #1, le robot né d’une vieille télévision transforme la galerie en zone de friction entre le vivant et le programmé. Loin d’être une simple installation ou une prouesse technique, il pose une question subtile : que signifie aujourd’hui « voir », « ressentir », « créer » ?
À une époque où l’intelligence artificielle (IA) s’infiltre dans la musique, la peinture, le cinéma jusqu’à la mémoire collective, le film fait le pari audacieux que l’art peut exister autrement, à travers circuits, écrans et mécanismes invisibles. L’enjeu n’est pas de savoir si le robot « fait de l’art », mais de comprendre pourquoi nous continuons à réagir à ce qu’il produit.
Quand l’IA explore de nouvelles combinaisons, assemble, transforme et recombine, l’art cesse d’être uniquement une célébration du geste humain. Il devient code. Dans cette bascule, ce n’est pas seulement l’objet qui change, mais aussi notre regard.
Untitled #1 ne se limite pas à exposer un robot. Il met en scène une époque où l’humain n’est plus source créatrice d’art mais récepteur passif de flux numériques et autres algorithmes nourriciers.